Matériel HIFI

"Comme le saxophone magique de Coleman Hawkins nous fait atteindre les cimes, la marque italienne Audia Flight nous crée l'intégré FLS10 de 2 x 200 W capable de piloter toute enceinte de 2 à 16 ohms
avec une qualité de reproduction sonore assez fabuleuse. Mais loin de la brute que peut suggérer son physique de 36 kg, le FLS10 est un somment de raffinement et d'aisance qui nous fait planer au sommet
de la satisfaction musciale. 

Les créateurs de cette merveille, Massimiliano Marzi et Andrea Nardini, ont fondé la marque Audia Flight en 1996 à Civitavecchia près de Rome, où tous les appareils sont conçus et fabriqués de manière artisanale.
Mais avant, ils ont passé deux ans à étudier et analyser les schémas pour développer leurs propres circuits originaux, remettant en cause l'approche courante des étages de puissance à contre-réaction en tension.
Développant leur propre circuit à contre-réaction en courant, avec de plus l'idée qu'aucun composant ne doit altérer le signal entrant, c'est le peaufinage ultime de cette démarche qui a donné naissance au FLS10.

Artisanat italien

Elégance du style oblige, la façade avant est belle, ondulée, pure et sobre alors que le FLS10 regorge de fonctions, qui s'illuminent sur le seyant afficheur OLED bleu réglable en 3 intensités.
Les 6 touches à impulsions de la façade commandent la veille et la mise en marche, le sélecteur d'entrée, le menu SET qui permet de personnaliser le FLS10, le mute réglable à -30 ou -90 dB,
l'inverseur de phase signal bien utilse (on aurait aimé le faire depuis la télécommande) et enfin le choix enceinte/casque avec prise jack en façade. Le reste se gère avec le processeur soit par l'ample bouton de volume,
soit par la superbe télécommande en aluminium massif brossé et anodisé.

Parmi les fonctions intéressantes de la touche SET, on note : le réglage du gain variable de +/- 6 dB pour chaque entrée, le renommage possible des entrées, l'affichage des seules entrés utilisées,
la possibilité de shunter le préamp pour y connecter un processeur AV par ex, et enfin l'affichage de la version du logiciel utilisé par le processeur, avec mise à jour possible.

A l'arrière, on constate un mode full symétrique avec entrées/sorties doublées XLR, une sortie RCA à niveau fixe pour les enregistreurs, le trigger pour chaîner un autre appareil,
les 8 borniers dorés autorisant le bi-câblage, et les 2 trappes pour les cartes optionnelles. Audia proposera une carte phono MM/MC (RCA ou XLR) en composants discrets,
une carte avec entrées RCA supplémentaires, et une carte DAC avec 5 entrées numériques acceptant les flux PCM 32 bits/784 kHz et DSD 5,6 MHz.

Technologie propriétaire

Le FLS 10 est la réunion dans un seul boitier des circuits du FLS1 et ceux de l'ampli FLS4, dont toute la finesse de conception est reprise. 

D'abord les étages exclusifs de gain en courant pure classe A, avec les composants discrets encapsulés dans un boitier aluminium rempli de résine afin de les isoler des interférences et les stabiliser thermiquement.
Les étages de puissance constitués de 16 transistors par canal sont polarisés en classe A sur 15-20 W, et en classe AB jusqu'à 200 W.

Le FLS est conçu pour fonctionner en classe A sur 70 W, mais des tests à l'aveugle n'ont pas départagé les deux versions, donc le 200 W a été choisi pour permettre de driver un large panel d'enceintes.
L'alimentation symétrique fournit pas moins de 2 000 VA avec 12 alimentations secondaires. L'alimentation principale compte 16 condensateurs de faible impédance (un par transistor type BJT) totalisant 144 000 µF par canal !

Elle est double : deux pour les étages d'entrée et deux pour l'étage de contre-réaction en courant propre à Audia.
L'avantage de ce principe est que l'ampli travaille sous une impédance et une capacité d'entrée très faible, il est capable de supporter des charges jusqu'à 0,2 ohm.
La bande passante peut aller jusqu'à 10 MHz (limitée à 500 kHz) ! Un seul fusible est sur le primaire, les fonctions vitales étant contrôlées par un microprocessuer indépendant le protégeant de toute défaillance.

FABRICATION ET ECOUTE 

Contruction : Magnifico !
Conne la face avant découpée au laser, finie et poilie individuellement à la main puis anodisée, le bel affichage bleu ou la télécommande aluminium massive, c'est vraiment un bel objet.
La construction est incroyablement solide à l'image de l'énorme transfo, la structure entièrement symétrique, parfaitement agencée et bien rempli malgré la taille imposante.
Les pistes extra-larges en cuivre minimisent toute résistance parasite, la carte préamplification en courant pure classe A est extrêmement soignée, avec des petits dissipateurs sur les composants actifs, afin d'extraire un signal d'entrée le plus pur possible.

Composants : 8 x 18 000 µF - 50 V plus 2 x 4 700 µF - 100 V = 153 400 µF par canal ! A l'image de l'énorme transfo de 200 mm de diamètre pour 2 000 VA, tous les composants sont sévèrement sélectionnés.
Ainsi les relais de qualité instrumentation de laboratoire avec contacts en atmosphère inerte qui isolent chaque source y compris la masse pour éviter tout bruit.
Les transistors sont des BJT de grade élevé, et le volume original parfaitement silencieux est un circuit intégré de haute qualité utilisé uniquement en passif, non alimenté, choisi pour la précision de ses résistances calibrées au laser.

Grave : Dès les premières écoutes, on est sous le choc ! Puissance, ampleur, facilité, assise incroyable, nos PMC sont transformées.
Sur le disque EST From Gagarine Point of You (ACT), la basse de Dan Berglund est grandiose, rarement entendue avec autant de poids, d'articulation et de souffle.
Le trio lui-même a une présence troublante. Tout comme la contrebasse de Texier qui arrache les notes avec puissance, timbre et dextérité dans "Idoma" (E+E, Label Bleu) avec ses comparses Sclavis et Romano.

Médium : La voix de Gianmaria Testa dans "Monsieur William" sur le A Léo de R. Cipelli est ample, chaude, veloutée, posée sans aucune agressivité mais aussi débordant d'expressivité et de détails.
En même temps bien inscrite dans un espace réaliste, matérialisé, et avec de l'air autour. L'Aria de Bach par Ito Ema (MA Recording) est d'une beauté confondante dans son timbre raffiné
mais aussi sur l'image du piano et les terminaisons de notes qui durent jusqu'au silence. Tout comme dans "l'Adieu (A Léo)", le piano de Roberto Cipelli a une vraie dimension, une ampleur et un naturel rare. 

Aigu : La guitare de Dusan Bogdanovic (MA 019A) délivre toute la finesse requise avec toujours une dimension réaliste rigoureusement en place dans son espace.
C'est cette faculté de restituer tous les petits détails dans leur contexte qui frappe. Pas de surdéfinition racoleuse, toutes les tessitures ont leur nature propre reconnaissable instantanément.

Dynamique : Un ampli vraiment dynamique est celui qui la délibre presque sans que l'on s'en aperçoive, comme dans la réalité.
En écoutant Michel Petrucciani dans "September Song" (Live at Tokyo), dans une salle pleine de ferveur, les envolées menées par le pianiste ont de forts contrastes, comme une vague qui arrive sans effort,
délimitant une salle de concert aux contours réalistes tout comme les applaudissement.

Cela rappelle un peu la manière dont certains amplis à tubes à triodes chauffage direct de haute puissance délivrent la dynamique : une aisance dans le rendu des contrastes saissant. 

Attaque de note : La trompette de Markus Stockhausen dans "Still Light" (MA 027A) surprend par des attaques à la foi franches, puissantes, mais modulées, subtiles, avec toute la couleur de l'instrument,
et sans jamais être agressives dans le rendu cuivré de l'instrument. Les percussions de Mark Nauseef distillent leur finesse et leur violence avec des accents variés, parfaitement installées dans l'espace. 

Scène sonore : Sur un morceau comme "Idoma" du trio Sclavis/Romano/Texier, avec Nguyen Lé à la guitare, extrêmement touffu et aux timbres éclatants, très peu d'appareils arrivent à le transcrire sans aucune confusion,
fixant chaque musicien à sa place, sans agressivité sur la clarinette virtuose de Sclavis, de plus dans toute sa dynamique. C'est pourtant ce qu'arrive à faire le FLS10 facilement.
Mais vous pourrez partager aussi l'ambiance feutrée et intimiste du merveilleux trio de Bill Evans "Live" dans Nardis, grâce à la souplesse d'utilisation du FLS 10.

Transparence : Toujours la même faculté de délivrer les détails bien placés dans un tout, certainement dû à la qualité des circuits d'amplification, l'impédance générale très basse, les multiples alimentations,
la structure totalement symétrique, l'absence de contre-réaction gloable, et à la carte des petits signaux en classe A.

Toujours est-il que malgré l'aspect confortable et profond de la restitution, on ne perd pas non plus en définition, tout est juste bien intégré. 

Qualité/prix : 9 500 euros c'est cher, ou ce n'est pas cher ?
A chacun de juger selon son budget, mais si c'est pour s'offrir un des meilleurs intégrés existants de 200 W, beau, pratique, capable de driver n'importe quelle enceinte, le tout dans un unique boitier fini
comme seuls savent le faire les italiens, alors on peut dire que le rapport qualité/prix est très bon. 

VERDICT

Le but d'Audia Flight d'approcher de près la perfection sonore, plutôt à la manière d'un luthier utilisant ses années d'expérience, son savoir-faire et sa passion pour trouver à l'écoute le caractère parfaitement timbré
et la reproduction de l'émotion par les instruments, semble parfaitement atteint avec le FLS10. Pour prendre une image automobile, il évoque la magie que peut dégager une gran turismo transalpine équipée d'un V12 de grosse cylindrée.

Mais il sait transmettre le principal : vous faire atteindre les hautes sphères musicales."

Bruno Castelluzzo